Pourquoi l’Inde devient le nouveau paradis des startups

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L’international Tech Park de Bangalore accueille une grande partie des start-ups de la Indian Valley. Le pays compte aujourd’hui 3.100 start-ups et devrait en accueillir 11.500 en 2020. (Crédits : CC Flickr by Steve Haslam)

Grand vivier d’ingénieurs, marché en plein développement, montée en puissance de la « Indian Valley » de Bangalore… L’Inde s’impose progressivement comme un acteur majeur des nouvelles technologies. Décryptage.

L’équation a été rapide dans la tête de Frédéric Mazella, le fondateur de Blablacar. « D’une part, les conducteurs indiens n’osent pas trop parcourir des longues distances en voiture car cela coûte cher. D’autre part, les passagers rencontrent des difficultés pour voyager car les bus sont bondés. En parallèle, 163 millions d’Indiens possèdent un smartphone », expliquait le jeune entrepreneur en janvier dernier au magazine Challenges, pour justifier l’implantation du leader européen du covoiturage dans le pays de Tata.

Comme l’illustre l’exemple de Blablacar, l’Inde devient de plus en plus attractive pour les sociétés étrangères. Longtemps, le pays a pâti de ses infrastructures défaillantes et de sa bureaucratie décourageante. Mais depuis quelques années, la donne change. Non seulement les investissements étrangers se multiplient dans tous les secteurs de l’économie, mais le pays joue crânement sa chance dans celui des nouvelles technologies. Au point de s’imposer, lentement mais sûrement, comme l’un des principaux hubs d’innovation dans le monde.

De 3.100 start-ups en 2014 à 11.500 en 2020

Quasiment inexistant il y a quelques années, l’écosystème d’innovation indien compte aujourd’hui près de 3.100 startups. Certes, rapporté à l’ensemble de la population (1,2 milliard contre 318 millions pour les Etats-Unis et seulement 8 millions pour Israël, les deux premiers pôles mondiaux), l’Inde souffre toujours d’un ratio de startups par habitant plutôt faible, bien inférieur, par exemple, à celui de la France, qui ne compte que 66 millions d’habitants.

Mais ce n’est qu’un début. Selon un rapport de la National Association of software and services compagnies (Nasscom), l’Inde devrait accueillir 11.500 start-ups d’ici à 2020, qui emploieront près de 250.000 personnes.

Cette évolution impressionnante s’explique par la volonté du pays de devenir une plate-forme technologique majeure, mais aussi par sa croissance soutenue (7,5% prévus en 2015 selon le FMI) et sa démographie robuste (selon les Nations-Unies, l’Inde deviendra en 2022 le pays le plus peuplé au monde, devant la Chine, avec 1,4 milliard d’habitants).

Conséquence: malgré la persistance d’inégalités énormes et d’une extrême pauvreté, ces facteurs favorisent l’essor d’une classe moyenne friande de biens d’équipements, et notamment de smartphones. Ainsi, la Nasscom souligne que l’Inde dispose de 300 millions de consommateurs à haut pouvoir d’achat… soit un marché comparable à celui des Etats-Unis et de l’Europe, par exemple. Grâce à l’augmentation des utilisateurs en ligne et notamment sur mobile, ce marché bourgeonnant dispose donc de sérieux atouts pour attirer les investissements des entreprises et encourager le développement des start-ups.

Des pépites de plus en plus nombreuses

De fait, l’écosystème d’innovation indien est celui qui grandit le plus rapidement. Les startups locales trouvent de plus en plus d’investisseurs internationaux, qui leur donnent les moyens de changer d’échelle, d’agrandir leur marché et de se développer à l’étranger.

Des pépites indiennes se font un nom partout dans le monde, à l’image de Housing.com, une plate-forme immobilière en ligne basée à Bombay, qui permet de trouver des biens en fonction de critères bien précis comme la localisation ou encore le nombre de chambres. Fondée en 2012 par un groupe de douze étudiants issus de l’Indian Institute of Technology de Bombay, l’entreprise s’est déjà implantée dans 40 villes et a levé 90 millions de dollars en décembre dernier auprès, notamment, du géant des télécoms japonais SoftBank Group.

Autres champions locaux, la plateforme Redbus, qui permet d’acquérir des billets de bus par Internet, a été racheté 138 millions de dollars par le sud-africain Ibibo Group. Ola (anciennement Olacabs), la plus grande plateforme de réservation de taxis, a réussi à lever en avril dernier 400 millions de dollars et prévoit de s’implanter dans 200 villes d’ici à la fin de l’année. Et ainsi de suite…

Grâce à l’augmentation des utilisateurs en ligne et notamment sur mobile, ce marché bourgeonnant dispose donc de sérieux atouts pour attirer les investissements des entreprises et encourager le développement des start-up

La tendance se vérifie dans les chiffres. Entre 2010 et 2014, l’apport de fonds étrangers, provenant notamment des Etats-Unis et de l’Europe, a explosé. En seulement quatre ans, les investissements de fonds de capital-risque ont plus que décuplé, à 1,8 milliard de dollars. En 2014, c’est le fonds d’investissements américain Tiger Global Management qui a investi le plus en Inde, avec 422 millions de dollars sur l’année. Le podium se complète par le fonds russe Yuri Milner DST Global (352 millions), et par le géant japonais des télécoms Softbank (282 millions).

Bangalore, fer de lance de la « Silicon Valley » indienne

Si Bombay ou New Delhi sont mieux connus du grand public occidental, c’est pourtant Bangalore qui s’affirme comme la capitale indienne de la tech. Forte de 6,5 millions d’habitants, la capitale du Karnataka, au sud-est du pays, s’impose déjà comme le quatrième centre technologique du monde.

La ville s’est engouffrée dans le secteur des hautes

technologies depuis les années 1990. Elle accueille désormais près de la moitié des startups indiennes et 35% des salariés du secteur informatique, ainsi que les sièges sociaux de la plupart des géants nationaux du secteur, comme la société d’informatique Infosys, valorisée 42 milliards pour 179.000 salariés, ou encore Wipro, qui pèse 35 milliards et emploie 158.000 personnes.

Le défi de la maturité

Si l’écosystème start-up indien apparaît dynamique et de plus en plus attractif pour les investisseurs, il dispose toujours de fortes marges de progression. Selon le rapport de la Nasscom, le niveau du commerce en Inde est comparable à celui du commerce français du début des années 2000. L’institut souligne également le besoin d’une « législation plus souple pour encourager l’entrepreneuriat, des incitations fiscales« , et une amélioration de l’implication de l’Etat dans le financement et la promotion de l’écosystème.

Des conditions indispensables pour que le pays tire profit de son immense marché local, de la puissance de ses développeurs – dont trop s’exilent aujourd’hui vers les Etats-Unis – et de la proximité d’un marché asiatique en plein développement.

 

 

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